MELINA CLARKE → the wild wolf ; shifters

There is nothing permanent except change

Non. Non. Non. Non. Inlassablement, elle répète. Non. Non. Non. Inlassablement, elle creuse de ses mains d'enfant. Non. Non. Non. Inlassablement, elle pleure. Non. Non. Non. Inlassablement, elle tente de s'échapper. En vain. Ils étaient prisonniers des décombres, prisonniers d'un tas de pierres qui les bloquaient et les bloqueraient sans doute un long moment. Du haut de ses six ans, elle comprend. Elle comprend l'horreur que les siens sont en train de vivre. Elle comprend son incapacité à alerter les siens du danger qui les attend. Elle comprend la terrible perte qu'ils sont - Joaquin et elle - sur le point de subir. " Melina, qu'est-ce qui se passe ? Tu me fais flipper, arrête, " que lui répète Joaquin, ce cousin légèrement plus âgé qu'elle, qu'elle considère comme son grand-frère. Lui ne comprend pas. Lui ne saisit pas l'ampleur de la gravité de la situation. Lui ne voit pas. Elle respire fort à présent. Elle a l'impression d'étouffer à présent. Elle a l'impression de suffoquer à présent. " Ils sont tous morts, " qu'elle se contente de dire. Qu'elle se contente de ressentir.  " Il n'y a plus personne ".

Ils étaient partis se balader un peu plus tôt, comme ils le faisaient quasiment chaque jour quand l'occasion et le temps le permettaient. Ils aimaient bien courir, rire et passer du temps ensemble - l'un et l'autre étant enfants uniques. Ils s'étaient aventurés légèrement plus loin que d'habitude et s'étaient laissés tentés à jouer dans ce qui semblait être les ruines d'un ancien château. Innocents qu'ils étaient, ils n'avaient pas songé un instant que les pierres succomberaient à leur passage et les prendraient au piège de longues minutes, de longues heures. Et ils n'avaient pas prévu que Melina aurait une vision au même instant - la pire de toutes. La pire de sa vie.

***

Elle savait qu'ils l'attendaient. Elle savait qu'ils l'attendraient longtemps, le temps qu'il faudrait. Elle savait qu'elle n'aurait pas d'autres choix que de les rejoindre. Elle savait qu'elle pouvait leur faire confiance. Mais elle avait encore besoin de temps, encore une minute, encore une seconde. Le temps d'un deuil. Le temps de l'acceptation. Melina avait toujours été une fillette vive et mature, trop pour son âge - le destin d'une jeune prophétesse, lui disait-on. Son don était un cadeau du ciel autant qu'une malédiction. Son don lui avait donné des responsabilités qu'aucune enfant n'aurait dû avoir à son âge - mais elle les avait eues et elle les avait acceptées. Et elle avait failli à son devoir. Elle avait échoué. Car ils étaient tous morts. Tous. De l'Alpha à ses parents. Des adultes aux enfants. Assassinés. Sauvagement. Gratuitement. Les rivalités entre meutes ne pardonnaient pas parfois, et ces rivalités anciennes, incompréhensibles pour l'enfant qu'elle était, en étaient la preuve aujourd'hui. " Tu es prête ma chérie ? " qu'elle entend Ben derrière la porte de sa chambre. Il n'entre pas, lui laisse l'intimité dont elle a besoin. Elle adore Ben, aussi loin que ses souvenirs lui reviennent, elle l'a toujours adoré même si elle ne l'a pas beaucoup vu - son oncle n'a jamais quitté sa meute de Riverdale, pas même lorsque sa mère et sa soeur ont rejoint la meute de Rockwood. " J'arrive, " qu'elle aurait aimé murmurer en refermant le sac qui contenait l'intégralité de sa vie - soit peu de choses. Mais depuis le drame, elle s'enterrait dans un mutisme sans fin. A son tour, comme sa mère et sa grand-mère autrefois, elle quittait sa meute d'origine pour rejoindre une nouvelle. Sauf que les circonstances étaient plus douloureuses.

" Tout le monde a hâte de te revoir, " qu'il la rassure en chemin. " Tu ne t'en rappelles sans doute pas bien, mais plus petite tu jouais avec chaque membre de la meute, " qu'il lui sourit en se rappelant des souvenirs qu'elle avait forcément oubliés. Elle reste muette. Les mots se bousculent sous sa boîte crânienne, mais rien ne sort. Les images affluent, mais tout se mélange. " Je sais que c'est dur, ma chérie, mais je te promets que tout ira mieux... Je ne laisserais rien t'arriver, jamais, " qu'il lui promet solennellement et sincèrement. Elle lui offre un demi-sourire, le premier depuis qu'ils se sont retrouvés, et son âme d'enfant s'apaise légèrement. Elle en était certaine, il tiendrait promesse. Mais comme elle était certaine que toute promesse ne dépendait pas toujours de ceux qui les faisaient.

***

Il lui a fallut quelques mois, presqu'une année entière, avant qu'elle ne retrouve la parole. Le choc avait été trop grand, trop important, trop soudain, trop brutal. Elle a appris à vivre avec, elle a appris à accepter de ne pas avoir pu les sauver. Mais la douleur et les souvenirs resteraient ancrés en elle jusqu'à la mort, elle le savait. Elle a su se reconstruire très rapidement dans la meute de son oncle, la meute Riverdale, et a pu se faire de nouveaux amis - Joaquin ayant rejoint la meute de sa tante, au Texas. Son don était apprécié, bien sûr, mais contrairement à la meute de Rockwood, elle ne se sentait pas utilisée, elle se sentait respectée et quelques fois même admirée.

Jusqu'au drame.

A l'aube de ses dix-huit ans, elle a cru revivre le même cauchemar qu'enfant - être incapable de sauver ses proches, être incapable d'agir, être incapable d'être à l'endroit où elle devait être pour les prévenir et les aider. Elle a cru devenir folle pendant ces longues minutes où elle tentait de joindre son oncle, en vain, l'Alpha, en vain, Lucy, en vain. Et si le drame a été moindre que celui qu'elle a connu enfant, elle n'en est pas ressortie indemne non plus. Elle se trouvait sur la route du retour lorsque la vision de Thomas - son ami d'enfance, meurtri et si déprimé depuis des années - en train de tirer sur tous leurs camarades l'avait frappée de plein fouet. Elle n'avait pas eu d'autres choix que de se garer et tenter de joindre la meute coûte que coûte pour anticiper l'horreur qu'ils s'apprêtaient à vivre. Mais il était déjà trop tard.

Les larmes n'avaient coulé que lorsqu'elle était arrivée sur le territoire. Lorsqu'elle avait vu les cadavres ensanglantés de beaucoup de ses camarades d'enfance. Mais pas celui de Thomas. Il était parti - pourchassé par les lieutenants de la meute. Elle n'avait pas su être là pour lui. Elle n'avait pas su être là pour eux. Elle n'avait pas su... la culpabilité l'avait tant dévastée qu'elle avait choisi de partir - loin, le plus loin possible de la douleur qui l'envahissait et des remords qui l'habitaient - au grand dam de ses oncles, mais au plus grand soulagement de ces parents qui avaient perdu leurs enfants. Elle ne leur en voulait pas de rejeter la faute sur elle.

***

" Ici, c'est le foyer des incompris, " que lui dit l'Alpha qu'elle vient de rencontrer. Elle l'a senti direct en la voyant, en lui serrant la main. L'aura qu'elle dégage est puissante, voire impressionnante, mais contrairement aux Alphas que Melina avait eu l'occasion de rencontrer, Miranda n'en abusait pas. Au contraire, elle semblait être en parfait contrôle d'elle-même, constamment. " Le foyer des solitaires. Personne ne te posera de questions indiscrètes. Personne ne te jugera. Tout comme personne ne fera ton linge et ne préparera tes repas sans que tu ne participes, " qu'elle avait ajouté avec un sourire encourageant. " Tout le monde met la main à la pâte - que ce soit en cuisine, l'ordre de l'établissement, l'animation, les lessives, les courses... Nous sommes tous une famille, " qu'elle avait conclu tout simplement, haussant les épaules. Melina avait été quelques temps sur ses gardes, renfermée et solitaire - réellement solitaire. Mais elle avait fini par s'ouvrir. La chaleur de ce foyer, le respect dont tous faisaient preuves envers Miranda et les uns envers les autres, la bonne humeur constante malgré les douleurs de chacun, tout l'avait séduite. Elle avait trouvé son chez elle.